Muriel Darmon a réalisé un travail d’enquête sur l’anorexie dans « Devenir anorexique. Une approche sociologique ».
La première question qui se pose alors est « comment peut-on faire une sociologie de l’anorexie ? » En effet, là ou l’anorexie est le lieu de recherche exclusif du domaine psychopathologique et psychiatrique, Muriel Darmon, rappelle à la façon de son prédécesseur E. Durkheim qui fit du suicide un fait social, qu’il n’y a pas « d'objets propres à la sociologie, mais il n'y a pas non plus d'objets qui lui soient interdits, seulement des objets qui lui sont socialement étrangers. »
Le caractère pathologique de l’anorexique peut en effet être un obstacle, ainsi Muriel Darmon propose une approche sociologique de l’anorexie « non pas malgré sa dimension pathologique mais pour cette raison même ». Il n’appartient pas en effet au sociologue de différencier le normal du pathologique.
Il ne s’agit pas pour elle de faire une analyse de la perception sociale de l’anorexie, de ce que les anorexiques sont au vu de leur pathologie, mais bien d’avoir une approche sur ce qu’elles font et ce qui se passe pendant l’anorexie. C’est pourquoi la sociologue mène des entretiens avec des femmes anorexiques ou anciennes anorexiques, dans divers lieux de soins, afin de recueillir leur point de vue. Elle mène également des entretiens dans un lycée, avec des jeunes « non anorexique », pour mettre en parallèle certaines pratiques alimentaires.
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La quatrième et dernière phase est celle de l'hospitalisation, de la sortie de la carrière, où l'objectif des professionnels est de remplacer la conception que la malade a d’elle-même par celle qui lui est proposé par le corps médical.
Ce travail hospitalier vise notamment à faire abandonner les dispositions acquises pendant la carrière anorexique, selon un engagement, qui se déroule en trois phases : lâcher prise (arrêter le maintien de l'engagement), s'en remettre à l'hôpital pour ensuite se « reprendre en main », c'est-à-dire, cette fois-ci, sortir volontairement de l'anorexie
A travers ces entretiens, la sociologue note cependant que la définition de « s’en sortir » varie selon le lieu de recueil des entretiens. A l’hôpital H , on fait référence à la prise de poids ou l’arrêt de certaines pratiques, tandis qu’à la clinique C., la définition de « s’en sortir » correspond davantage à un « travail sur soi ».
Au vu des entretiens fait par Muriel Darmon, c’est bien pendant cette dernière phase que le groupe déviant ce constitue, à l’hôpital et par l’hôpital. Le groupe n’est pas choisit mais imposé, il constitue d’ailleurs une structure de maintient et de rupture de l’engagement. Il est d’abord lieu d’apprentissage de la déviance pour les interviewées, elles y apprennent des techniques qu’elles ne connaissaient pas avant leur hospitalisation, et lieu de reconnaissance d’un caractère commun et collectif, l’interviewées s’y reconnait, le stigmate partagé est ainsi imposé à l’individu. A la manière du toxicomane de E. Becker, les interviewées se sentent anorexique parce qu’elles sont entourés d’un groupe d’anorexiques.
Catégorie: | Fiche de lecture Educateur spécialisé |
Type de fichier: | application/pdf |
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