Il me semble qu’Alvarez attend de ses éducatrices (en l’occurrence) qu’elles l’aident à maîtriser ses pulsions et de ne pas l’abandonner (par peur) quand il est traversé par ses crises d’angoisse. La solution de la contention n’est pas inévitable et ne doit être adopté qu’en dernier recours. Cette situation a été l’occasion, pour moi de m’interroger sur le rôle de l’éducateur dans une relation d’aide où l’usager est totalement dépendant, quand l’action submerge la réflexion. Il me paraît donc plus pertinent de réfléchir et de questionner les évidences apparentes. Je pense également faire part de mes observations aux membres de l’équipe.
Tout d’abord, durant cette période d’observation en trois étapes, j’ai fait le choix de ne pas consulter le dossier du jeune, ce qui m’a permis de garder ce regard neuf, la lecture du dossier n’intervient qu’après avoir fixé mes observations par écrit. Ensuite, la rencontre avec les éducateurs de « J’INTERVIENDRAI » m’a éclairé sur quelques éléments de la personnalité d’Alvarez et m’a servi à confirmer quelques observations relatives aux comportements récurrents chez le jeune. Le comportement violent d’Alvarez m’a amené à me poser les questions suivantes. Au de-là des éléments déclencheurs apparents, qu’est-ce qui pousse ce jeune à adopter ce repli ? Faut-il faire l’économie de la contrainte et la confrontation avec ce jeune ? Le cas échéant, n’est–il pas aggravant de sa toute puissance ou tyrannie ? Y’a-t-il une part d’intentionnalité dans ces comportements ?
Au vu de ces difficultés et sa pathologie quelles pourraient être les grandes lignes de la prise en charge qu’on peut formaliser dans un projet ? Si nous examinons bien les trois situations que j’ai présentées, nous pouvons constater un élément commun déclencheur de la crise de fureur chez ce jeune. Cet élément que l’on peut expliciter comme l’angoisse de la séparation de « l’enveloppe ». A chaque fois qu’Alvarez est forcé de quitter le lit, la couette, les vêtements ou son doudou, il se sent perdu. Ceci paraît comme étant quelque chose qui le dépasse. Le choix qui lui reste est mince, ce qui amplifie ses angoisses et le précipite vers ce que son psychologue appelle un agrippement pathologique. Au début de son admission, Alvarez était lent à réagir et les éducateurs ont pensé ne pas trop le solliciter pour lui laisser le temps de prendre ses repères, d’une part, et pour respecter son rythme, d’autre part. Plus, on lui laissait le temps, plus il lui en fallait pour se lever (ou pour exécuter une tâche simple). Ce phénomène est connu chez les enfants atteints d’autisme pathologique. Frances TUSTIN affirme que « l’état autistique est confortable car cela procure une autosatisfaction et un pseudo-sentiment de se suffire à soi-même ». Il ajoute que ces processus sont difficiles à renverser surtout lorsqu’ils ont opéré pendant de nombreuses années. Il évoque également cette confusion chez l’autiste de son corps avec les éléments extérieurs. L’objet autistique est vécu comme faisant partie du corps.
Parmi les caractéristiques de l’autisme, Théo PEETERS (neurolinguiste belge) identifie un répertoire de comportements, d’intérêts et d’activités restreint, répétitif et stéréotypé. Les éducateurs de l’IME de SEUILLY, afin de ne pas provoquer la crise de fureur chez Alvarez, essaient de respecter sa « lenteur » de passer quotidiennement par les mêmes étapes, en lui présentant ses piles de vêtements l’une après l’autre, en le couvrant d’une couverture ou couette en plus de celle qu’il détient dans sa bouche jusqu’à la salle de bain, en s’assurant qu’il manque rien d’habituel parmi les accessoires de toilette (gobelet, gants, brosse). L’échange du doudou contre le gant avant et après le bain, le jeu du « robinet » dans la baignoire, tout cela fait partie d’un répertoire répétitif. J’ai même pris connaissance d’un document écrit par le père intitulé : « ce qu’il faut savoir », qui retrace le « rituel du lever » selon le père. Ceci m’a interpellé dans la mesure où cela ne fait qu’aggraver la tyrannie et la toute puissance que Alvarez fait subir à son entourage.
Je n’ai pas d’alternatives à proposer, mais il me semble comprendre que pour traiter des problèmes comportementaux PEETERS préconise dans sa méthode TEACCH, une grande rigueur du cadre, un matériel communicationnel adapté, et un travail individuel. L’objectif du programme est d’amener l’enfant autiste par des interactions successives à des comportements de mieux en mieux acceptés socialement, de lui permettre de comprendre son environnement et de lui donner la capacité d’agir sur cet environnement. Justement à l’IME « NOTRE ECOLE » Alvarez a appris à communiquer en associant des pictogrammes tels que sa propre photo, l’image d’un objet et un autre picto avec le vocable « JE VEUX ». Les éducateurs de « J’INTERVIENDRAI » lui imposent plus de rigueur et attestent qu’il se lève tout seul, même si au dernier séjour, ils n’ont pas pu lui faire quitter son doudou.
La seule crise avait été déclenchée lors d’une activité, et non pas au lever. Ce qui nous renvoie à la question de la prise en charge à l’IME de SEUILLY, est-elle vraiment adéquate pour sa pathologie ? Le pavillon 7 est une unité qui regroupe plusieurs profils d’adolescents hyper agressifs avec des passages à l’acte. Dernièrement, un jeune sans aucune raison apparente a agressé Alvarez en laissant plusieurs marques sur son visage. Un autre jeune lui a arraché les cheveux en l’attaquant par derrière. Par conséquent, je me demande si l’angoisse du lever ne découle pas de l’insécurité qu’il ressent à l’extérieur du lit. Dans ce contexte, les adultes pour s’imposer, sont obligés de hausser la voix ; un autre facteur d’épuisement et de peur pour ce jeune en grande difficulté.
Catégorie: | Autre Educateur spécialisé |
Type de fichier: | application/pdf |
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