Pierre Bourdieu constate l’insuffisance du modèle linguistique proposé par de
Saussure, en tant que code à la fois législatif et communicatif qui existe et subsiste
en dehors de ses utilisateurs (« sujets parlants ») et de ses utilisations (« parole »),
tout comme l’incomplétude du modèle proposé par Noam Chomsky en tant que
compétence liée aux dispositions génératrices ; ni l’un ni l’autre ne peuvent en effet
rendre compte de la langue comme réalité sociale tant qu’ils n’envisagent pas ses
conditions sociales de production, de reproduction et d’utilisation.
Que s’est-il passé ? Les luttes au sein du champ linguistique, à travers la langue de
banlieue notamment, traduisent-elles aujourd’hui une résistance des dominés qui ne
créditent plus les forces d’imposition de l’institution éducative ? Ont-ils pris
conscience, victimes de l’absence de mobilité sociale, qu’aucun profit symbolique de
distinction ne leur était acquis et que leur soumission à la langue légitime enrichissait
les agents qui leur imposaient ?
L’analyse de Bourdieu nous apprend que dans tous les cas, cette opposition à la
langue standard crée de fait son propre marché linguistique en excluant notamment
les individus qui ne manient pas ces formes d’expression.