Après l’enquête, il semble que la place du service social dans une entreprise, qu’elle soit qualifiée de nodale, de carrefour ou de transversale, est réellement particulière. Cette position transversale permet ainsi au service social d’être considéré comme expert dans les relations individuelles mais également de participer à la politique sociale des entreprises en tant qu’expert des relations sociales. Le service social est en relation avec de multiples partenaires, il a un regard spécifique sur l’entreprise, ses composantes et l’environnement dans lequel elle se situe. Cependant la fonction d’expertise n’est pas exerçable partout, dans tous les modèles d’entreprise.
Ceci dépend beaucoup du jeu des acteurs, des relations de pouvoirs qui s’exercent, des ressources qui sont mobilisées. On peut apparenter le SST à “l’acteur de l’interface” décrit dans Les mondes sociaux de l’entreprise. Cet acteur possède le maximum de ressources de son côté. Il appartient, notamment, au réseau informel de circulation de l’information, il permet la prise en compte de l’environnement par l’organisation et il agit à l’intérieur mais également à l’extérieur de celle-ci. Il peut développer des stratégies de négociations. Il s’agit “d’un acteur-clé pour l’entreprise” . Néanmoins ce rôle à l’interface ne peut être mise en avant dans tous les types d’entreprise. Le travail en collaboration n’est pas automatique et il dépend du bon vouloir de chacun, de sa position dans l’entreprise et des enjeux de pouvoir.
Tout d’abord il me semble que nous sommes tous des acteurs dans un système et que chacun peut, selon sa place, agir plus ou moins sur ce système afin de l’améliorer. L’assistante sociale d’entreprise est donc dotée d’un pouvoir d’influence sur l’organisation, en tant qu’acteur de cette organisation. Elle peut agir sur le fonctionnement de celle-ci mais aussi sur ses dysfonctionnements. Ceci est lié non seulement à la façon dont les AS envisagent leur profession mais également au développement actuel des structures de l’entreprise. Le développement de la culture d’entreprise est dorénavant un outil de management. En effet depuis le début des années 80, on assiste à une mutation des relations de pouvoir dans l’entreprise. L’organisation fait de plus en plus attention aux régulations collectives en son sein. “Étudier le fonctionnement des entreprises c’est comprendre comment se construisent les relations de coopération et les interactions stratégiques entre les acteurs, pour peser sur les relations quotidiennes de travail et sur les objectifs même de la production.” .
Le contexte stratégique dans lequel se met en place le jeu des acteurs dépend des incertitudes auxquels ils sont confrontés, des enjeux qu’ils poursuivent et des ressources qu’ils mobilisent. Le jeu des acteurs dans une entreprise est une relation de pouvoir. Dans une organisation, les membres sont en situation “d’interdépendance inégale” , c’est-à-dire que tout un chacun a besoin de travailler en collaboration avec les autres pour réussir dans sa tâche mais chacun garde aussi une marge d’autonomie. Le travail en collaboration n’est donc pas automatique et il dépend du bon vouloir de chacun mais aussi de sa position dans l’organisation. Il existe un jeu entre les acteurs visant à influencer les conduites de l’autre pour qu’elles lui soient profitables ; ceci s’apparente à un jeu de pouvoir. Le deuxième point de départ de mon choix a été le lieu de mon stage, c’est-à-dire une DDE de la région parisienne.
Dans ce cadre là je me suis interrogée sur les missions de ce service social définies par le Ministère de l’Équipement et j’ai vu qu’il en existait trois : “le suivi individuel des agents, le travail collectif d’information et de prévention, l’assistance au management” . C’est sur cette mission d’assistance au management que je me suis arrêtée et j’ai cherché à en savoir plus sur ce qu’elle recouvrait, ce qu’elle induisait pour le travail de l’assistante sociale. Lors de mon stage, les AS des DDE de la région parisienne ont travaillé sur leur fiche de poste , ce qui m’a permis de discuter de cette mission. A travers cette mission d’assistance au management, le service social doit avoir un rôle de médiateur et de négociateur (entre les agents et entre les agents et leur hiérarchie), un rôle d’expert (CLHS , CTP , Comité de direction) et un rôle d’observateur social (rédaction d’un rapport d’activités, faire remonter les difficultés et les dysfonctionnements observés, intégrer la dimension sociale au sein de la gestion des ressources humaines). Dans le cadre de l’assistance au management, l’AS “participe à une démarche d’observation sociale qui contribue, dans la limite des obligations déontologiques, à révéler des dysfonctionnements plus généraux. Il peut alors être sollicité par l’encadrement pour une meilleure compréhension de ces dysfonctionnements collectifs ou individuels et développer une fonction d’analyse sociale”.
La position de l’AS dans l’entreprise est complexe, elle se trouve à la croisée de plusieurs chemins : entre la vie de l’entreprise et la vie sociale extérieure, entre le salarié et l’entreprise parfois, entre la vie personnelle et la vie professionnelle du salarié et intégrée dans le service social. Le fait que le service social du travail n’ait pas de position hiérarchique par rapport aux salariés rend-il cette place complexe ? Le service social du travail peut-il exercer des fonctions d’encadrement ? Le fait de ne pas avoir une telle position permet-il aux salariés étant en relation avec le service social et les AS qui le compose d’avoir une liberté d’expression quant à leurs difficultés personnelles et familiales mais aussi quant à leurs difficultés au travail ? Cette liberté d’expression que possède le salarié est-elle également valable pour le SST lui même en tant qu’acteur de l’entreprise ? Peut-être existe-t-il des entraves de la part des employeurs ?
Le développement de la fonction d’expertise compense peut être ces entraves ou bien un manque de marge de manœuvres dans le travail plus “traditionnel”. Le développement de la fonction d’expertise est-il une stratégie des services sociaux pour trouver une nouvelle place dans l’entreprise, pour jouer un nouveau rôle ? Est-ce que le développement de cette fonction permettrait au SST de devenir un véritable interlocuteur des autres services et de cesser d’être vu comme un spécialiste du social et du social uniquement ? L’important, pour moi, est la question de la place du SST dans l’entreprise.
Catégorie: | Mémoire Assistant de service social |
Type de fichier: | application/pdf |
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