J’ai commencé mes études d’assistant de service social il y a trois ans après une rencontre. Une jeune femme un jour, une projection positive quant à ma capacité à écouter autrui. J’avais d’abord une représentation du travail social fondée sur le travail qui s’effectue en polyvalence de secteur, ayant par ailleurs de la famille dans ce milieu. Il me semble pouvoir dire que l’institution n’était alors faite que de pierre, et je n’imaginais pas combien elle est avant tout faite d’hommes. Dans une vision simpliste, j’imaginais toutes choses établies, percevant la vie comme un long rituel aux règles immuables, et ma capacité à agir là, exclue. C’est ainsi que j’ai orienté cette femme il y a quatre ans, sollicitant pour elle ce qui forcément était la réponse adaptée à sa souffrance. Ne doit-il pas y avoir « des gens pour cela » ? Mais, et c’est le mais par lequel tout commence, il n’y avait pas de structure adaptée à sa souffrance, personne de qui j’ai pu écouter un conseil. Il n’y avait qu’elle et moi, soudain, convoqués là, par l’idée qu’elle a eue de venir s’asseoir un jour auprès de l’étudiant que j’étais. Cette histoire s’impose encore à moi aujourd’hui, se répète. Et je peux mesurer le chemin parcouru. Que s’est-il passé pour moi, pour elle, ce jour là ?
Il y avait ceci : nous avons parlé, de ce qu’elle a voulu, elle a composé l’entretien. Elle pouvait aller chercher ce dont elle avait besoin, elle savait les réponses qu’elle pouvait apporter. Je n’étais que l’outil, mais un outil qui nous engageait tous les deux, nous étions désormais coresponsables l’un de l’autre. Si cette situation n’a pas eu lieu dans un service social, ni d’ailleurs été accueilli par un assistant de service social, ne constitue-t-elle pas pourtant les prémices de l’entretien social ? De nombreuses situations amenées par la vie m’ont rendu témoin de besoins et de difficultés. Non indifférent, j’ai pu avec le temps identifier mon désir d’agir, dans le sens de la valorisation de la personne humaine. Mais face à cette question, je crois le regard du professionnel être sinon nécessaire du moins unique. L’expérience a pu me renseigner sur les limites de toutes interventions, et notamment à partir du champ d’observation propre aux assistants sociaux. Les interrogations qui n’ont cessé de m’accompagner jusqu’alors tournent autour de la question de l’aide avec ceci : comment être aidant ? Car face à des publics aussi différents dans leurs besoins, cultures et représentations, ainsi que dans leur individualité, une aide personnelle est-elle possible ?
Et comment entendre les volontés propres d’une personne âgée face aux désirs de sa famille ? Comment inscrire un bénéficiaire du R.M.I. de façon à ce qu’il puisse s’approprier le dispositif ? Comment dans telles situations d’endettement si identiques le recours à la commission de surendettement du particulier sera là indispensable et là inapproprié ? Comment concilier la protection des majeurs à l’expression de leurs volontés ? Les questions seraient nombreuses. En somme, peut-on traiter avec les mêmes dispositifs tant de situations originales ou ne nécessitent-elles pas plutôt une approche spécifique ? Dans une société aussi complexe que la nôtre, l’assistant de service social n’est-il pas un intermédiaire de choix entre l’individu et l’institution ? D’autre part, l’aide est-elle le fruit d’une demande et comment s’exprime-t-elle ?
Ou bien n’est-ce pas souvent d’autres choses qui se demandent derrière l’expression du problème ? Une aide spontanée est-elle envisageable ? Y a-t-il des obstacles à l’aide et quels sont-ils ? Quels sont les meilleurs moyens pour permettre l’expression de cette demande ? Est-ce qu’on ne travaille qu’avec la demande ? Quelles sont les limites de l’engagement du travail social ? Faisons d’abord un passage par Alain Rey : « Aider », du latin ad-juvare, c’est « faire plaisir à », mais dont la réalisation du mot français signifie plutôt « apporter un soutien, un secours à quelqu’un » ; Aït Deus, «que Dieu nous aide », nous apporte ce qui nous manque. Pour ma part, aujourd’hui, je solliciterai bien mieux « l’aide-mémoire », composé dérivatif du verbe souvent très pratique.
CONCLUSION « Qu’est-ce qu’on fait quand on fait du social ? Quel est le bien du sujet ? S’agit-il de satisfaire à la demande des politiques comme des plaignants ? De reconditionner des conduites et les normes sociales ? Ou de permettre l’émergence d’une parole créatrice sur un désir en souffrance ? » En définitive, ce sont autant de questions qui parle de la complexité de la place de l’assistant de service social dans le relation d’aide que nous nous sommes posées. Initialement nous nous demandions comment être aidant et professionnel à l’intérieur de l’entretien social ? Pour se faire trois hypothèses ont été successivement abordées. La première, sur le souci d’être aidant, à mis en évidence la nécessité de se défier des représentations qui jalonnent l’expérience de la rencontre.
La nécessité pour l’assistant de service social de réaliser qu’il ne suffit pas d’être aidant mais que l’usage de techniques permet de produire une distanciation, une objectivation, a été le sujet de la seconde hypothèse. Au prétexte de quoi nous avons cherché à éclairer la pratique de théories, par l’analyse de situations, ainsi que la place du travailleur social face à l’institution. Place qui dans une troisième hypothèse révèle un nouvel acteur toujours absent de la relation et peut-être à rechercher chaque fois : un tiers. Avant de répondre à la problématique, ces hypothèses ont surtout fait surgir une constellation de notion qui nous permettent de cerner d’un peu plus près les buts et les enjeux de ce face-à-face. Et forcément aussi d’élaborer une éthique personnelle au plus près de l’Autre. En quoi à mon sens le respect de la liberté de l’usager trouve sa forme dans une distanciation et une prise de conscience de mes propres attentes que les rencontres actualisent forcément.
Enfin, il est bon de rappeler que la place de l’assistant de service social dans la société est en évolution constante, la société aussi, les personnes également. Notre nature, c’est le mouvement n’est ce pas ? Les politiques nouvelles réactualisent les questions de toujours de la profession. Elles demandent au travailleur social d’interroger les limites de son action, et d’alimenter constamment sa réflexion sur le sens de son travail : * Être assistant de service social pour gérer la misère ? * Être assistant de service social pour indiquer une certaine norme et faire en sorte que les usagers s’insèrent dans « le moule » et y restent ? * Être assistant de service social pour faire évoluer la norme, avec l’aide des usagers ? * En tant que salarié, n’a t-il pas vocation à intervenir sur les politiques sociales ? * Doit-il se contenter de mettre en œuvre un certain nombre de plans d’action sans faire le constat des limites de l’aide apportée et s’interroger sur les choix politiques de notre société ?
Catégorie: | Mémoire Assistant de service social |
Type de fichier: | application/pdf |
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