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Educateur spécialisé

L'éducateur spécialisé est un travailleur social qui participe à l'éducation d'enfants et d'adolescents dits inadaptés. Il soutient aussi des adultes présentant des déficiences physiques et/ou psychiques pour les aider à retrouver de l'autonomie.

Analyse de situation éducative

Analyse de situation éducative

La situation éducative que j’ai choisi se déroule lors de ma dernière semaine de stage, au cours du repas du soir, que je prends avec une dizaine des résidents du secteur Accueil en Logement Temporaire du foyer. L’animatrice (qui est ma référente) ne prends le repas au foyer qu’un soir par semaine en raison de ses horaires de travail, aussi suis-je accoutumée à dîner seule avec les résidents, ce qui est le cas ce soir-là. Vers le milieu du repas, je demande aux résidents s’ils ont envie de s’inscrire à la sortie à la plage que j’ai organisé pour un prochain week-end. En regardant son assiette, tout en continuant à manger, Karima, une jeune fille de 21 ans, me répond que je peux toujours rêver et qu’elle n’ira pas à la plage avec une “balance”.

Quelque peu surprise, je lui demande de s’expliquer car je ne comprends pas alors ce qu’elle veut dire. Karima, devenant plus agressive, me rétorque qu’elle sait très bien que c’est à cause de moi qu’elle a reçu un avertissement de la directrice. Je comprends alors ce qu’elle veut dire en me qualifiant de “balance”. En effet, le jeudi de la semaine précédente, alors que j’étais du soir, je surpris après le repas une dizaine de résidents en train de brûler de la résine de cannabis le plus ouvertement du monde dans le hall du foyer. A ma vue, ceux-ci n’ont pas du tout tenté de dissimuler leur “matériel”, mais ont attendu que je leur rappelle qu’il était interdit de fumer dans les parties communes et d’introduire des substances illicites dans le foyer. De mauvaise grâce, ils sont alors sortis du foyer. Ce n’était pas la première fois que je leur rappelais qu’ils ne pouvaient pas fumer des joints dans le hall: j’ai souvent croisé des résidents qui fumaient dans le hall ou dans la salle télé, et j’avais toujours été très claire à ce sujet. Ils me semblait donc que les résidents savaient que je ne cautionnais pas ce comportement, et que je me trouvais au foyer dans le cadre de mon travail. J’écrivis donc un mot dans le cahier de liaison pour relater les évènements à l’animatrice, sachant que je ne reviendrai pas travailler avant le lundi, puisque je ne travaillais pas le vendredi.(je rappelle que nous étions un jeudi soir). Karima poursuivant ces reproches, je comprends alors que l’animatrice et la directrice (qui ne travaillaient pas au foyer ce lundi là, et que je n’avais donc pas vues) avaient donné des avertissements à tous ceux que j’avais surpris le jeudi soir. Je me trouve quelque peu déstabilisée de ne pas avoir été tenue au courant. A table, les autres résidents commencent à leur tour de commenter plus ou moins agressivement mon attitude.

La tension monte. Sur un ton très calme, je demande à Karima, qui semble très en colère contre moi, de me dire précisément ce qu’elle trouve anormal dans ma façon d’agir. Karima, sur un ton agressif, dit qu’elle est “déçue“, que je n’étais pas “obligée de le dire à l’animatrice“, que “maintenant j’ai déjà deux avertissements” (le troisième entraînant l’expulsion) et qu’elle est “dégoutée”. Lorsqu’elle a fini, je lui demande si elle sait ce que je fais au foyer depuis 3 mois. Comme elle me réponds que je fais un stage, j’enchaîne en lui expliquant qu’en tant que stagiaire travaillant au foyer, il me semble évident que je me situe du côté de l’équipe éducative, et que mon rôle est donc de cautionner le règlement intérieur. Je lui rappelle qu’à plusieurs reprises je leur ai rappelé ma position concernant la présence de joints dans le hall: ainsi, en fumant ouvertement devant moi, les résidents devaient avoir conscience des risques qu’ils prenaient, et qu’en tant que stagiaire éducatrice il était dans l’ordre des choses que j’en informe l’animatrice. Karima principalement puis les autres résidents s’emportent de plus belle en me rappelant que Maxime les laisse fumer dans le hall et n’en n’a jamais rien dit à l’animatrice (Maxime étant un agent d’accueil en emploi-jeune, du même âge que moi), et qu‘ils ne voient pas pourquoi une “simple stagiaire“ se permet de le faire.

Je suis un peu surprise car je pensais avoir été suffisamment distante durant ces trois mois de stage pour ne pas leur laisser penser que j’étais une copine potentielle. Je leur ré-explique que, même si nous avons le même âge, je suis présente au foyer en tant que stagiaire éducatrice et que je suis là pour agir en tant que telle, et que quelle que soit l’attitude de Maxime, mon choix est de cautionner le règlement intérieur. J’ajoute que je connais bien les positions de la directrice, et que j’estime que les résidents font de la provocation en fumant dans le hall: en effet, l’équipe éducative a déjà expliqué qu’elle n’avait aucune intention d’entrer dans les chambres des résidents pour vérifier qu’ils n’y fument pas, ou qu’en dehors du foyer ils étaient libre d’agir à leur guise, et que la contrainte ne se situe donc pas dans le fait de ne pas fumer du tout, mais de ne pas fumer dans les parties communes. Mounir veut alors savoir pourquoi je suis tellement contre “le shit”. Je m’efforce de lui répéter que mes convictions personnelles n’ont rien à voir avec cela, qu’il est question de respect des règles et aussi de respect des autres, je lui rappelle également que le cannabis est légalement considéré comme une drogue en France et que son usage est interdit ; j’ajoute qu’aux Pays-bas, il est permis de fumer du cannabis, mais uniquement dans le cadre que constituent les coffee-shops et le domicile personnel, et non pas dans la rue ni n’importe où. J’essaie de lui montrer qu’on ne leur en demande pas plus, à savoir fumer dans leur chambre et pas dans les parties communes.

Puis, comme je ne sais plus quoi dire, je leur dis que je ne sais plus quoi dire. Personne ne dit rien mais la tension semble être retombée. Nous terminons le repas en silence. En débarrassant mon assiette, avant de quitter le réfectoire, je tente de détendre l’atmosphère en leur disant en souriant qu’il serait tout de même dommage de se priver d’une agréable sortie à la mer parce-que “la stagiaire est une balance”.

Une démarche éducative ? Dans le vif de la conversation, j’entendais que les résidents refusaient de participer à une sortie uniquement parce-que cela avait été organisé par moi. Or il est rare que le foyer organise des sorties. De plus, c’est à la suite de discussions avec les jeunes que j’avais pu monter ce projet et obtenir une prise en charge du foyer. Ceux-ci m’expliquaient en effet que le manque d’argent les privaient de la possibilité de se déplacer et donc de voir de temps en temps autre-chose que le foyer. De mon côté il me semblait également que de changer d’air pouvait leur redonner une certaine énergie et qu’il serait positif pour eux de prendre “une journée de vacances”. Je trouvais donc dommage de voir ce projet tomber à l’eau, d’une part parce-qu’il m’avait demandé quelques efforts, d’autre part parce-que j’étais convaincue qu’il redynamiserait les résidents.

Ma démarche consistait donc également à les amener à ne pas prendre cette “affaire” de façon trop personnelle et à envisager que la sortie serait tout aussi intéressante pour eux qu’elle soit menée par moi ou par quelqu’un d’autre. Il m’a semblé qu’il valait mieux introduire cette idée juste avant de quitter la pièce de manière à leur éviter de rétorquer immédiatement une réponse, et leur laisser ainsi une place pour réfléchir. En effectuant un retour sur cette façon de faire , je me suis questionnée sur la place qu’avait pris dans cette intention ma propre volonté de voir le projet aboutir. En effet, les résidents pouvaient tout à fait décider de ne pas participer à la sortie et choisir une activité à leur guise. Mais c’était une option que j’avais du mal à envisager, car en fait mon propre désir de voir les choses bouger un peu m’ont menée à essayer de motiver les résidents. Plus tard, en analysant cela avec ma référente, j’en suis venue à la conclusion qu’il était parfois utile d’être soi-même très motivé pour être motivant, et que de faire aboutir un projet parce-qu’il nous tient à coeur n‘est pas forcément une démarche anti-pédagogique: dans ce cas précis, mon insistance auprès des résidents les jours qui ont suivi a permis d‘effectuer la sortie comme prévu, et Karima autant que les autres résidents ont déclaré avoir passé une très bonne journée .

Catégorie: Autre Educateur spécialisé
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