Voilà maintenant trois semaines que j'ai intégré la maison H. C. pour mon premier stage de moniteur éducateur. La maison H. C. est un hébergement de stabilisation qui accueille quarante femmes et hommes isolés. La première fois que je suis venue ici, j'ai trouvé le lieu vétuste et froid : les murs sont sales, les meubles délabrés, l’espace est sombre sans ouverture sur l’extérieur. Mais très vite, la chaleur humaine qui s'en dégage m'a fait oublier ce cadre que je trouvais au départ triste. Ici vous pouvez rencontrer tous types de personnes, de tous horizons, de tout âge et de toutes les cultures. Il y a Yael, ce grand monsieur qui dit être "télépathe", qui parle tout seul et se promène dans les couloirs en dansant et chantonnant. Aleksy le polonais qui déambule sur son fauteuil roulant entre l'espace télé et l'accueil. Mr Chilil, le doyen de la maison qui n'a plus une seule dent, toujours à la recherche de sa référente ou de son infirmier. Lila la "chouchoute" de la maison, un petit bout de femme très bavarde et assez vulgaire qui a toujours le mot pour nous faire rire! Filou et Finette, les chats des résidents qui se prélassent, jouent et profitent des caresses de chacun. Parmi tout ce beau monde, il y a Line, une femme très grande et très forte qui affiche toujours un grand sourire sur son visage rond et bronzé. Elle porte de larges tee-shirts informe et des jupes colorées de son pays natal, l’Ile Maurice. C'est une femme d'une cinquantaine d'années qui vit ici depuis maintenant quatre ans. Il est difficile de retracer son histoire personnelle car les éléments qu'elle a pu rapporter sur son parcours de vie sont confus et peu inscrits dans une temporalité. Très pieuse, elle fréquente assidûment les églises du quartier où elle a rencontré des bénévoles du Secours Catholique qui l'ont aidé à trouver une place en centre d'hébergement. De nature très calme elle n'a jamais posé aucune difficulté sur le plan collectif, il s’agit d’une femme vulnérable et très attachante. La première fois que Line et moi nous sommes rencontrées, c'était un jour où je suivais ma collègue Cyrielle dans les tours de chambre hebdomadaires. Arrivée devant la chambre 401, Cyrielle toqua à la porte; jusqu'à présent chaque résident venait personnellement nous ouvrir mais pas cette fois-ci.