La fonction paternelle opère sur le sujet en lui interdisant la jouissance, pour l'ouvrir au désir. Pour l'enfant, en lui interdisant sa mère comme objet unique. Pour la mère: "il interdit que la mère génitrice ne se prenne pour l'origine et ne prenne avec elle l'enfant dans cet imaginaire de capture" , ce que Aldo Naouri appelle "la propension naturelle maternelle à l'inceste" . Pour le père aussi, dans la prohibition de l'inceste. C'est toujours dans un double mouvement de lien/ médiation/ passage/ inclusion, et de coupure/séparation/castration/interdiction que peut se comprendre la fonction paternelle, qui permet au sujet d'être, dans une filiation établie, un individu. Ce faisant la fonction paternelle, qui introduit au symbolique, n'a pas de sexe: ce peut être un homme comme une femme, une institution ou un représentant charismatique qui occupe cette place. Car que peut-être une fonction sans quiconque pour tenir, agir, remplir le rôle s'y rapportant, et la soutenir? Que peut-être le symbolique si on ne le distingue de l'imaginaire et du réel, et si on ne les associe inéluctablement? Peut-il y avoir fonction paternelle sans désignation, sachant que "désigner le père oblige à renoncer au père idéal pour accéder au père réel" Il me semble que, malgré tout, les termes de "fonction paternelle" et "fonction maternelle" réfèrent à des êtres sexués, à priori en position de père et de mère, mortels et historiquement définis. Et que cette histoire pèse, y compris sur notre compréhension intime. Si on admet que chaque individu dans son rôle pourra supporter alternativement l'une et l'autre fonction, la sémantique des termes paternels et maternels est connotée de telle sorte qu'avec un homme et une femme seront en même temps convoqués un mari et une épouse, un père et une mère. Magie du verbe qui permet d'en jouer afin de laisser l'obscur régner. Sans doute aurait-il été trop simple de créer des mots différents pour parler de chaque registre sur lequel on parle, sans obligatoirement signifier l'étanchéité entre ces registres (surtout que certains ne se sont pas privé de créer des néologismes, ou des sens partiels et particuliers à de vieux mots). La clinique en effet rapporte que ce qui est pensé et écrit sur le père est d'abord traduit et dit, c'est un discours, sur le père et les pères . Même quand en psychanalyse on parle sur la fonction, les exemples ne manquent pas où l'on appelle la réalité en illustration, et souvent en enfermant les individus dans le sens commun de leurs rôles sexués. Le modèle lui-même a été construit par des êtres de chair et de sang, également sexués, et, en rapport avec leur temps, pris dans les discours différenciateurs du contexte socio-historique. Peut-on encore se référer à une définition telle celle de Portalis qui affirmait: "Dans le mariage, les deux époux sont égaux en certaines choses, ils ne sont pas comparables en d'autres. .... la femme a besoin de protection car elle est faible. La prééminence de l'homme est impliquée par la constitution même de son être ...... L'obéissance de la femme est un hommage rendu au pouvoir qui la protège." Cette affirmation est intéressante non par ce qu'elle édicte comme règle mais par le fait que la question de l'égalité se posait déjà, avec une réponse qui vient corroborer et justifier les pratiques de l'époque. Elle induit des représentations précises des individus auxquelles nul n'échappe, et leur assigne des places d'homme et de femme, de mari et d'épouse, de père et de mère sans aucun doute, dans les fonctions qu'ils et elles soutiennent. Si ça n'est plus vraiment d'actualité, il n'en reste pas moins des empreintes transmises de génération en génération et qui concernent tout le monde. Le Code Civil de 1804 est encore bien utilisé de nos jours.
Catégorie: | Etude psycho-pédagogique Educateur spécialisé |
Type de fichier: | application/pdf |
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