Avant de la rencontrer, j’avais déjà beaucoup entendu parler de Laura. J’effectuais mon stage de découverte dans un service d’accompagnement de jeunes majeurs, en novembre 2005. Son histoire est une histoire d’inceste comme il y en a tant d’autres, sauf que, pour ma part, c’est la première fois que je m’y intéressais d’aussi près.
D’abord c’est le thème des violences sexuelles intrafamiliales qui m’a accaparée. Cette situation suscitait chez moi un questionnement autour de la parole de la victime dans les présomptions d’abus sexuels. J’ai eu envie de comprendre pour prendre part au débat, et pour étoffer ma pratique professionnelle future.
Puis j’ai été comme captée par cette jeune fille, dont la souffrance et la détermination m’ont émue. Je me suis alors intéressée à Laura elle-même, à l’histoire de sa famille, à l’expression de sa souffrance et de son désarroi.
Une question posée par une personne de mon entourage m’a interpellée sur ce qui m’a amenée à choisir la situation de Laura pour écrire ma note clinique. On m’a demandé « pourquoi je m’intéressais à une histoire aussi sordide ? » J’ai senti à travers ces propos une suspicion, un malaise, comme si mon choix témoignait en quelque sorte d’un intérêt malsain, voire pervers. Cela m’a confirmée dans l’idée que la réalité de l’inceste demeure impensable pour beaucoup de gens, et que l’ignorance prévaut à cause de cela, de cette sorte de défaussement.
Les affaires d’Outreau et d’Angers ont amené des personnalités de la protection de l’enfance à interpeller le ministre P. Bas sur un nécessaire débat préalable au projet de loi de réforme de la protection de l’enfance qui devrait voir le jour au printemps 2006. L’appel des 100 pour le renouveau de la protection de l’enfance, signé par 14 représentants sous la houlette de JP Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, montre l’urgence d’organiser un dialogue nécessaire entre les différents partenaires autour de cette question. Ce texte prône la circulation des informations entre les institutions, pour passer d’une éthique de conviction à une éthique de discussion.