Silhouettes isolées, groupes compacts, les média n’en parlent quasiment qu’à l’arrivée,
chaque année, des premières nuits de gel et que le premier mort est retrouvé dans la rue.
Pourtant ils sont de plus en plus nombreux, jour après jour, semaine après semaine, à
hanter les rues de Paris. Et comme le rappelle Fabien Tuleu1, Délégué Général d’Emmaüs
France : « On ne meurt pas de froid, on meurt de pauvreté ».
Certains ont choisi ce mode de vie, trouvant dans cette errance l’expression de leur liberté,
faisant ainsi perdurer la lignée des vagabonds d’autrefois, mais ce n’est pas la majorité.
Pour la plupart, c’est en effet, une rupture, un enchaînement d’événements, une suite de
problèmes économiques, familiaux, de santé, liés ou non à une faiblesse psychologique qui
les a projetés dans la rue. On constate que la fracture est souvent brutale et qu’une sorte de
point de non retour est facilement franchi.
Tout au long de cette étude, nous avons évoqué les conditions de vie des sans-abri. Nous
avons montré le décalage, objectif ou subjectif, pouvant exister entre les propositions du
Système Social et la réalité du terrain.
Nous avons vu qu’un des obstacles à la réinsertion était la perte de l’estime de soi, fortement
dégradée au fil du temps passé dans la rue. Or la politique de certaines villes aujourd’hui tend
à accentuer encore la perte de dignité des sans-abri. Par exemple, certaines villes de province,
comme Nice, non seulement interdisent leur centre aux mendiants, mais vont mêmes jusqu’à
les « parquer » en dehors de la ville. On peut citer également l’exemple des tentes de
Médecins du Monde : voulant attirer l’attention des pouvoirs publics sur le manque
considérable de logements sociaux et de places d’hébergement, l’association a distribué cet
hiver des tentes aux sans-abri parisiens. Ces tentes ont apporté un point d’ancrage, la
possibilité de se « poser », et la garantie d’une certaine intimité aux sans-abri. Au début, elles
se sont fondues dans le paysage, banalisant la présence des sans-abri dans la rue. Petit à petit,
ceux-ci se sont réunis, formant des « mini-camping » sur les quais de Seine ou dans les rues
de Paris, jusqu’au moment où les riverains se sont plaints et que la municipalité a essayé de
déplacer les personnes en périphérie de Paris.