Au cours des siècles et jusqu’au milieu des années 1970, la France a massivement fait appel à l’immigration, pour des raisons à la fois démographiques et économiques, si bien qu’aujourd’hui un cinquième de la population française a un ascendant d’origine étrangère.
En juillet 1974 cependant, du fait de la crise économique qui frappe le pays, le gouvernement français décide de suspendre l’entrée des travailleurs étrangers permanents. Puis en 1976, il instaure une politique de regroupement familial qui entend fixer les immigrés déjà présents en favorisant leur intégration par l’arrivée de leur famille . Dès lors, l’immigration en France qui était jusque là majoritairement celle d’une main d’œuvre masculine est devenue une immigration structurelle comme le souligne la juriste E. Rude-Antoine, chargée de recherche au CNRS spécialisée sur l’immigration maghrébine, dans laquelle la proportion de femmes a augmenté régulièrement pour atteindre 48% en 1999. Parmi les 4.3 millions d’immigrés que compte aujourd’hui la France métropolitaine, 30% (soit 1.3 million) sont des immigrés maghrébins , regroupés essentiellement dans trois régions (Ile-de-France (37%), Rhône-Alpes (11%) et PACA (9%)). Les femmes immigrées qui se sont envolées vers la France espérant la plupart du temps une vie meilleure, un eldorado , constituent une part non négligeable de la population française actuelle.
Les femmes immigrées maghrébines, devenues chefs de famille à la suite d’une séparation, sont victimes d’une double rupture, culturelle et conjugale, qui peut se traduire par une perte de repères sur le plan familial et social. Cette situation entraîne chez certaines une baisse importante de l’estime de soi, qui n’est pas sans conséquences sur leurs capacités à s’insérer socialement et professionnellement en France, avec le risque d’un certain isolement.
Ce mémoire a montré l’impact du groupe sur l’estime de soi des femmes immigrées maghrébines ayant vécues une rupture conjugale en France. Le groupe fonctionne comme « un réseau de substitution pour ces femmes » selon la formulation d’un ethnopsychiatre. Il est omniprésent dans la constitution ou la restauration de l’estime de soi, elle-même étroitement liée à la notion de reconnaissance de sa valeur par autrui. Mon choix s’est porté sur des groupes de socialisation à visée d’insertion mis en place par quatre structures franciliennes fortement fréquentées par la population maghrébine. Les multiples entretiens menés auprès des professionnelles et des usagères ont permis de valider la faculté du groupe à aider ces personnes à retrouver une image positive d’elles-mêmes, à se mobiliser sur des projets, à se sentir valorisées et reconnues.