J’ai observé que c’étaient des enfants qui partageaient peu entre eux et avec les adultes, qui ne savaient pas se « poser », se détendre pour parler ou jouer calmement sans que le ton monte et que de ce fait la violence verbale ou physique apparaisse rapidement. Il fallait qu’ils rentrent en confrontation les uns avec les autres et que ce fût dans la confrontation qu’ils s’acceptaient. Par exemple, dès que nous descendions à la cave pour jouer au tennis de table, un climat de compétition s’installait entre eux. Chacun d’entre eux devenait un compétiteur, il fallait qu’il gagne absolument leur match pour pouvoir rejouer contre quelqu’un d’autre. Tout au long de la partie, il y avait discussion pour savoir si la balle était bonne ou pas, sur les points marqués et ils n’arrêtaient pas de « s’envoyer » des moqueries entre eux et même des insultes. Je pouvais percevoir que chacun d’entre eux cherchait à s’imposer aux autres en se donnant un statut, à s’octroyer un rôle dans le groupe.
Dès lors, je me suis demandé si, le jeu, la mise en relation et l’interaction qu’il engendrait, n’était pas le meilleur moyen de structuration et de construction de l’enfant. Je me suis posé la question de savoir si le jeu ne serait pas un moyen de développer plusieurs aspects ; l’aspect cognitif sur le plan de la résolution de problème, d’élaboration de nouvelles stratégies dans le jeu, l’aspect langagier sur la plan de la communication, l’aspect social sur le plan de la socialisation et enfin l’aspect psychomoteur sur le plan de l’élargissement du répertoire moteur. Je me suis également interroger sur le fait que chacun se cherchait un rôle, un statut dans le groupe au-travers de leurs attitudes et de leurs comportements.
Le jeu, à travers toutes ses formes et utilisation, tient donc une grande place dans l’enfance. Jouer procure du plaisir, diversifie et augmente les expériences, permet d’établir des contacts… bref, de se développer en tant q’être et en tant qu’être socialisé.
L’enfant qui joue seul, se permet plus de libération que lorsqu’il est observé. « En jouant en présence d’un adulte qui laisse libre son expression et sa création, l’enfant institue une expérience émotionnelle constructive où celui qui regarde est ressenti comme réfléchissant ce qui se passe dans le jeu » et Winnicott ajoure que « l’enfant qui joue habite une aire qu’il ne quitte qu’avec difficulté, où il n’admet pas facilement les intrusions ».
Il me semble pourtant que le jeu enfantin doit, parfois, être régulé par l’adulte, sans pour autant intervenir sur la façon dont les enfants ont choisi de jouer ; il ne faut pas non plus que l’adulte « envahisse » le jeu de l’enfant, ni que ce jeu soit « surprotégé par l’adulte, ce qui empêcherait l’enfant de foire des expériences et d’apprendre en faisant des erreurs.
Le jeu doit être à la portée de l’enfant et ceci semble difficile lorsqu’un adulte s’en mêle, car tous deux n’ont pas le même esprit de réflexion, de logique, et que l’enfant doit se sentir acteur de son jeu et non « esclave » de celui de l’adulte.